Soulwax Belgica

Qui n’a jamais juré à son meilleur pote, l’esprit embrumé par quelques shooters, qu’il ouvrirait un bar ? Le meilleur des bars. Où la bière coulerait à flot. Où la fête ne se terminerait jamais. Un bar où, enfin, se jouerait la musique que l’on aime. C’est ce fantasme que le film Belgica rappelle à notre souvenir. L’histoire de deux frangins qui tentent cette aventure et dont les vies modestes vont être emportées par le tourbillon du monde de la nuit. Le réalisateur, Felix Van Groeningen, aime mettre en scène la musique. Sa précédente œuvre, Alabama Monroe, contait une histoire d’amour sur fond de bluegrass. Rassurez-vous, point de banjo ici. Il a confié la direction musicale à deux frères gantois, bien réels ceux-ci : David et Stephen Dewaele. Soit les 2manyDjs et les têtes pensantes derrière Soulwax. Nos gars sûrs comme disent les jeunes. Ceux-ci ont monté de toutes pièces, fait répéter et enregistrer 15 groupes. Leur signature – sensibilité rock et libido dancefloor – se retrouve dans les meilleurs moments de cette bande son.

La véritable originalité, c’est que cette B.O n’est pas qu’un adjuvant au film. Elle en est la moelle épinière. Pour une fois d’ailleurs, l’album sort avant la pellicule. Elle est faite pour donner envie de voir le film. Des vidéos de concerts fictifs ont été lâchées au compte-goutte pour faire monter la mayonnaise (veuillez insérer ici une blague sur les frites belges).

Mais alors que valent les fantassins de ce CBGB imaginaire ? Il y en a pour tous les goûts au Belgica. La pop, le rock, la techno, le folk se côtoient dans la moiteur du rade. Au programme : The Shitz, Erasmus, They live… Des alias qui fleurent bon l’esprit potache. Mais l’on n’a jamais l’impression de tomber dans le pastiche. On dodeline de la tête sur le nu-disco de Rubber band, on frétille sur le punk-funk jubilatoire de Diploma et on se détend sur le reggae gracile et envoûtant de Light Bulb Matrix. On s’offre même une purge hardcore revigorante avec les Burning Phlem. Ces derniers ne sont autres que le groupe Dead Stop, bien connus pour nettoyer les canalisations des auditeurs belges depuis le début des années 2000, flanqués d’ Igor Cavalera (Sepultura).

Deux morceaux de bravoure se détachent clairement du lot. Le premier, c’est « How long ». Regardez la vidéo, opportunément lâchée il y a quelques semaines pour appâter le chaland. Tout est là : le chanteur magnétique, la bassiste pieds nus sur son ampli, une longue montée jusqu’au riff dévastateur… On assiste à une véritable performance assez fascinante qui réveille la groupie cachée en chacun de nous. Une des meilleures chansons rock depuis un bail.

Le deuxième, c’est « Ti ricordi di me ». De l’électro-clash déchaînée qui sent la sueur, le sexe et le sang. On regarde médusé les deux amazones en cotte de mailles nous gueuler dessus dans la langue de Dante. C’est sûr, on est pas près de vous oublier. Ces furies, ce sont les Kenji Minogue. Un duo déjanté au look à faire passer Sexy Sushi pour des Amish.

Le reste est plus anecdotique. Le faux groupe garage s’époumone dans le vide. Le barde de service à beau triturer sa guitare, son blues manque de tripes. L’incursion vers l’électro chaâbi peut décontenancer. D’autres pistes sont carrément plus litigieuses. La ballade synthétique de Charlotte, qui plombait déjà la bande-annonce du film, est insipide. Le clin d’œil à Jean-Michel Jarre (Danyel Galaxy) n’était pas du tout nécessaire.

Finalement, l’arche de Noé prend l’eau par moment. En fait, ce disque, c’est comme une boîte de chocolats. On se fait plaisir mais de temps en temps, par surprise, on tombe sur deux, trois trucs un peu dégueulasses.